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Contrôle et évaluation

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Deux concepts complémentaires et à distinguer


Les notions de contrôle et d’évaluation ont tendance à être de plus en plus confuses dans nombre de secteurs de la société.

D’une part, la notion de contrôle est mal vue, on a tendance à l’interpréter de manière négative, comme s’il s’agissait par essence d’une prise de pouvoir illégitime (et peut-être encore plus dans les secteurs sociaux) ; on tend donc à éviter d’employer le terme alors qu’on le devrait.

D’autre part, le concept d’évaluation est utilisé tous azimuts, souvent de manière inadéquate, ce qui régulièrement amène de la confusion, notamment au niveau du rôle et des prérogatives de chacun.

Cependant, il est possible de sortir de la confusion contrôle / évaluation.

Il ne doit y avoir aucune connotation positive ou négative, aucune hiérarchie entre les deux concepts dans la mesure où il existe des façons démocratiques et des façons non démocratiques d’assurer l’un comme l’autre.

Le tableau suivant résume les caractéristiques de chacun des deux termes
  Contrôle Évaluation
Objet Vérifier la conformité à des normes définies antérieurement et extérieurement à l’action Réfléchir sur le sens et les valeurs d’une action
Relation Inégale, descendante Collégiale
Visée Une ponctuation de l’action : il y a une sanction, positive ou négative. L’agent doit savoir si cela va ou ne va pas. Pas de sanction, uniquement des stratégies pour le futur.
Temporalité Connue, programmée et limitée dans le temps. Chaque fois que et seulement si nécessaire
Horizon Standardisation Singularité

On peut ainsi mieux comprendre dans quel registre on se trouve lorsqu’il est question de réaliser un diagnostic social.

Le diagnostic social, tel que défini par l’article 4 de l’arrêté AMO,

« doit être considéré comme un processus permanent et en tout cas être actualisé au moins tous les 3 ans ». Il « se fonde, notamment, sur :

  1. un travail d’analyse du milieu de vie des jeunes ;
  2. un travail d’analyse des demandes individuelles et collectives ;
  3. une réflexion relative à la prise en compte de la parole des jeunes ».

« Les actions collectives de prévention éducative et les actions de prévention sociale reposent principalement sur ce diagnostic social de la zone d’action du service ».

« Le diagnostic social est présenté conformément aux modalités définies par le Ministre. »

On voit que, selon cette définition, le diagnostic social se situe principalement du côté de l’évaluation :

  • il s’agit d’un processus permanent ;
  • d’une analyse multi-référentielle ;
  • avec une participation de toutes les parties concernées.

L’établissement d’un diagnostic peut aussi faire, évidemment, l’objet d’un contrôle, puisque des normes sont définies. Cet établissement est en effet un élément indispensable du travail d’une AMO, puisque la mission de prévention sociale du service doit être issue de ce travail réflexif. De plus, il doit :

  • être actualisé tous les trois ans au moins ;
  • et répondre à certains critères (analyse et réflexion sur des éléments précisés, présentation conforme à des modalités définies).

Le code prévoit également au niveau du Conseil de prévention, du chargé de prévention et dans l’articulation entre les diagnostics sociaux des AMO et celui de la division ou l’arrondissement, des processus évaluatifs :

  • « Art. 7 (…) Le conseil de prévention a pour missions, à l’échelle de son territoire : (…) 3° de favoriser la concertation et la collaboration de l’ensemble des acteurs en matière de prévention;4° d’informer et, le cas échéant, d’interpeller les autorités publiques de tous les niveaux de pouvoir au sujet de toute condition défavorable au développement personnel des jeunes et à leur insertion sociale ; 5° (…) et de procéder à une évaluation de la prévention (…) » ;
  • Art. 11 Le chargé de prévention a pour missions :1° de communiquer, tous les trois ans, aux conseils de prévention un projet de diagnostic social de leur territoire, qu’il établit sur la base des diagnostics sociaux des services d’actions en milieu ouvert et des constats relayés par les autres membres du conseil de prévention ; 2° d’assurer une analyse permanente des faits sociaux relatifs à la jeunesse se déroulant sur le territoire de l’arrondissement et de la communiquer aux conseils de prévention en vue d’éventuelles mises à jour de leurs diagnostics sociaux et plans d’actions ; (…) 4° d’attirer l’attention des conseils de prévention sur toute situation défavorable au développement personnel des jeunes et à leur insertion sociale ;

et des processus normatifs :

  • « Art. 7 (…) Le conseil de prévention a pour missions, à l’échelle de son territoire : () 1° d’établir un diagnostic social, sur la base du projet du chargé de prévention ; 2° d’élaborer, sur la base du diagnostic social, une proposition de plan d’actions triennal et d’affectation du budget disponible ; (…) 5° de dresser tous les trois ans un bilan des actions menées.
  • Art. 11 Le chargé de prévention a pour missions : (…) 3° de proposer, tous les trois ans, aux conseils de prévention un bilan des actions menées (…) ; (…) 5° de veiller à la mise en œuvre des décisions du conseil de prévention, en particulier en accompagnant la réalisation du plan d’actions triennal ».

Il y a donc lieu de bien différencier les deux concepts, car évaluation et contrôle sont tous deux nécessaires et complémentaires. Il s’agira de les distinguer, et de les articuler à différents moments et selon différentes méthodes.

Nous détaillons ici plus avant les caractéristiques des deux concepts
L’objet

  • Le contrôle tend à vérifier la conformité d’une action à des normes définies antérieurement à l’action, par des personnes extérieures à celle-ci.

    Il existe deux types de contrôle possibles. On peut contrôler la conformité des actions à des normes de procédures ou des normes de résultats, mais pas les deux en même temps. (Exemple : ISO 9000 énonce des normes de procédure : on contrôle le respect d’une méthode de production de qualité ; un contrôle de rendement vérifie une norme de résultat). On ne peut à la fois exiger un résultat et imposer une procédure. Le contrôle est monoréférentiel. Il est important que les travailleurs sachent sur quoi ils seront contrôlés.

  • L’évaluation est destinée à réfléchir sur le sens et les valeurs de l’action pour essayer de comprendre la singularité de la situation. Par exemple, une AMO réfléchit sur une action communautaire : Est-elle sensée ? Quelles valeurs l’AMO porte-t-elle à travers elle ? .…

    L’évaluation est multiréférentielle, elle exige une multiplicité de points de vue.

    Souvent, après une phase d’évaluation où on a recadré ce qu’on souhaite faire, il est nécessaire d’adapter les normes à la nouvelle donne : une phase de contrôle peut donc s’enchaîner à une phase d’évaluation.

La relation

  • Dans le contrôle, la relation est inégale. La décision doit être prise par le pouvoir. Il faut assumer cette inégalité de la relation, mais les gens doivent être bien au fait des normes à quoi le contrôle se réfère pour se préparer au contrôle. La fausse notion d’auto-contrôle ne peut être tout au plus qu’une préparation au contrôle. Il ne faut pas vouloir gommer l’inégalité, car contrairement à ce qu’on peut penser, elle comporte, dans le cadre du contrôle, une part de protection. Il n’est rien de pire que les situations où le contrôle n’est pas assumé par en haut, car alors, il se fait sournoisement, dans les couloirs, et chacun se permet d’être le juge de son collègue.

  • L’évaluation ne peut être que collégiale. Un avis ne peut peser plus qu’un autre. Cela implique obligatoirement une participation de tous les partenaires concernés (CA, équipe, partenaires, bénéficiaires, etc). Chacun a une forme d’expertise qui contribue à l’expertise globale. C’est un non-sens de dire qu’on évalue quelqu’un, il s’agit là de contrôle. Mais la collégialité ne signifie pas que tout le monde a des ressources égales, des capitaux égaux, au sens que Bourdieu donne au terme « capitaux » : des capitaux économiques (des moyens financiers permettant l’autonomie), sociaux (un carnet d’adresses, un réseau), culturels (un bagage scolaire) et symboliques (une image non dégradée). Il est dès lors nécessaire que toutes les conditions soient réunies pour qu’une réelle collégialité soit garantie, que tous puissent avoir voix au chapitre. Mettre tout le monde ensemble autour d’une table ne signifie pas qu’on organise la collégialité, au contraire cela peut être l’inverse. Parfois, la collégialité doit être différée pour être réelle.

La visée

  • Pour le contrôle, l’objectif final est une ponctuation de l’action : c’est bon ou ce n’est pas bon. La gamme de sanctions doit être connue, ce qui permet d’éviter le chantage par exemple.

  • Dans le cas de l’évaluation, il ne peut être question de sanctions, mais de stratégies. On n’évalue pas dans une optique correctrice. Il peut y avoir des transactions, des compromis, mais pas de sanction.

La temporalité

  • La temporalité du contrôle doit être programmée et limitée dans le temps. Le contrôle perpétuel est nuisible, et le contrôle surprise n’est légitime que lorsqu’il est acté qu’on peut l’organiser (et donc qu’il n’est pas si surprise que cela). Le contrôlé doit savoir quand il sera contrôlé, et sur quoi. Une norme peut changer, mais tant qu’on n’a pas acté qu’elle était caduque, elle reste en vigueur.

  • L’évaluation doit être organisée chaque fois que nécessaire, et seulement si nécessaire. Si on surévalue un problème, on le fait exister, on l’importe dans une situation. Les évaluations systématiques provoquent des effets négatifs. Il ne faut en organiser que lorsqu’un des partenaires éprouve la nécessité de le faire.

L’horizon

  • Pour le contrôle, c’est la standardisation qui est l’objectif : il est indispensable que les sanctions soient les mêmes pour tout le monde.

  • L’horizon de l’évaluation est la singularité. Malgré des normes communes (des arrêtés identiques), les services ont leur spécificité, dans des environnements différents.

Nous avons précisé les différents éléments des notions de contrôle/évaluation en les appliquant au diagnostic social ; ils sont repris dans le tableau ci-dessous

Diagnostic social – distinction contrôle et évaluation

Contrôle

Évaluation

Interne

(dans le service)

Externe

(du service par l’inspection pédagogique)

A destination interne

(service)

A destination externe

(chargé / Conseil de prévention)

Objet

Vérifier que les décisions d’actions concrètes prises à partir du diagnostic social sont bien réalisées

Vérifier l’existence d’un diagnostic et la présence des éléments qui seront définis par le gouvernement

Réflexion visant la mise en place des actions de prévention sociale sur le territoire du service

Réflexion visant la mise en place de la prévention sociale à un niveau supra-local (division / arrondissement)

Relation

Rôle de la direction, mais les processus de contrôle peuvent être mis en place via des modalités diverses selon les services ou selon les projets (délégation, formalisation plus ou moins importante, vérification rapprochée ou grandes marges de manœuvre, etc.)

L’inspection pédagogique contrôle le service – c’est la direction qui « rend des comptes »

En concertation avec les travailleurs du service et toutes personnes utiles au processus de réflexion (partenaires, jeunes/familles…)

En concertation avec les travailleurs du service et toutes personnes utiles au processus de réflexion et en articulation éventuelle avec les membres du Conseil de prévention

Visée

Vérifier que ce que chaque travailleur est censé faire est effectivement réalisé

L’inspection valide la réception et la conformité du diagnostic social

Stratégies et cohérence des actions de prévention sociale au niveau du service et de son territoire

Stratégies et cohérence des actions de prévention sociale au niveau de la division / arrondissement

Temporalité

A définir selon les actions et les modalités d’organisation du contrôle

Production écrite tous les 3 ans

De manière régulière au cours des 3 ans – par exemple, lors de l’évaluation d’un projet, lors de la survenue d’un élément particulier sur le territoire, par un constat réalisé lors du rapport d’activité, lors du conseil éducatif…

De manière régulière au cours des 3 ans, par exemple, lors de la survenue d’un élément particulier sur le territoire, par un constat réalisé lors des réunions du Conseil de prévention, à l’initiative du chargé de prévention…

Horizon

Les actions du service ont été entreprises comme décidé

Toutes les AMO doivent rendre un diagnostic social

Avoir des actions spécifiques et pertinentes sur un territoire, basées sur une analyse partagée

Avoir des actions spécifiques et pertinentes sur une division / arrondissement, basées sur une analyse partagée


POUR EN SAVOIR PLUS

*J. Ardoino et G. Berger, D’une évaluation en miettes à une évaluation en actes, Paris, ANDSHA-Matrice, 1989.

*E. Vanhée, « Evaluation et contrôle des pratiques institutionnelles », in J. Blairon, J. Fastrès, E. Servais, E. Vanhée, L’institution recomposée, T2, L’institution totale virtuelle, Bruxelles, Luc Pire, coll. Détournement de fond, 2001.
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